Tout le monde attendait le 2eme film de Nejib Belkadhi. Il lui aura fallu 7 ans (de reflexion?) pour nous sortir son nouveau long métrage.
Depuis plusieurs semaines, le buzz commençait à prendre sur les réseaux sociaux.. Le titre intrigant pour un film tunisien, et la bande annonce dénotait dans l"univers du cinéma tunisien.
Il Bastardo ... allait naitre ..
Invité par le réalisateur à la projection presse du film "Bastardo, Mardi dernier, j'ai donc assisté à cette projo.
Le synospsis
Mohsen alias « Bastardo », homme sans origines et sans histoire qui a toujours vécu dans l’exclusion et le rejet des habitants de son quartier pauvre.
Suite à son renvoi de son travail, Mohsen, en complicité avec son ami Khlifa, fait installer sur son toit un relais GSM contre une rémunération mensuelle conséquente.
Cette antenne va permettre enfin aux habitants du quartier de goûter à la téléphonie mobile et à la modernité dont ils étaient privés jusque-là.
Cet évènement va bouleverser la vie du quartier et celle de Mohsen qui voit sa situation financière et sociale s’améliorer au fil des jours. Mais c’est sans compter sur Larnouba, ami d’enfance de Mohsen mais également chef du quartier sans scrupules, qui voit d’un mauvais œil l’ascension de Mohsen. S’ensuit alors une lutte sans merci entre les deux hommes pour la mainmise sur le quartier.
Bent Essengra, mystérieuse fille aux insectes, et secrètement amoureuse de Mohsen va jouer un rôle primordial dans cette confrontation et fera pencher la balance du côté de Mohsen en commettant l’irréparable par amour.
Débarrassé de son rival et manipulé par son ami Khlifa, Mohsen va avoir la voie libre pour devenir l’homme le plus puissant et le plus respecté du quartier…
Voila pour l'histoire...
En lisant cela vous me direz, rien de bien original.. un film comme un autre sur un univers glauque de petites gens vivant dans la misère...et bien non!!
Il faut voir le film pour bien s’imprégner de ce film, touchant et très dérangeant
Ce huis clos, tourné dans ce ghetto fermé du monde ou ni loi ne règne si ce n'est celle de Larnouba, caid psychopathe et arriéré, dominé par une mère possessive et manipulatrice, est un mélange du chef d'oeuvre d'Ettore Scola '"affreux sales et méchants" (1976 - Prix de la mise en scene au festival de cannes) et synopsis et de "Delicatessen" de Caro et Jeunet (1991).
L'histoire est campée par des personnages inquiétants, burlesques avec un coté terrifiant.
Ce qui fait la force de ce film c'est le casting et les personnages d'uéne part, et la photo et l'ambiance générale du film
Les Personnages
Nejib Belkadhi aura offert à ses acteurs, des rôles qui marqueront leurs carrières.
Superbe Performances d'acteurs pour la plupart, doublé d'un excellent maquillage.
Larnouba (Chedly Arfaoui) le caid, est un psychopathe a tendance schyzophrénique, arriéré, marionnette de sa mère Khadra, et fort de son physique de bad boy. Chedly joue ici un de ses meilleurs rôles au cinéma. Il saura faire oublier son physique de déménageur et donnera une touche attendrissante à son personnage pourtant exécrable
Khadra la mère de Larnouba (Lassaad Ben Abdallah). il m'aura fallu environ 40 mn pour me rendre compte que Khadra était campée par L. Ben Abdallah. C'est dire, si le maquillage était super bien fait, mais surtout la performance de l'acteur qui a su se mettre dans la peau de ce monstre de la race humaine!!
Comme Lassaad Ben Abdallah le dira après la projection du film, ce genre de role est un challenge pour tout acteur... et permet de se transcender dans ce metier.. il a fait le rapprochement avec le Frankeinstein joué par de Niro.. moi je dirai que d'abord Khadra est beaucoup plus moche que Frankeinstein, et beaucoup plus ignoble et infame... ce qui fait que le role est d'autant plus difficile à jouer..
Bent Essingra (Lobna Noomene), la fille aux insectes..
J'ai été bluffé par cette actrice.. le rôle très fort et peu évident pour une jeune actrice (inconnue jusqu'à ce jour)...
Après la projo, quelle ne fut ma surprise de voir une superbe jeune femme alors que Bint Essingra était une gueux hirsute et horrible.. mais sensible et attachante..
Lobna a été superbe dans ce rôle... Pour une carrière naissante... cela témoigne d'un réel don de jouer la comédie...
Le problème pour elle, c'est qu'elle ne trouvera plus (ou alors très difficilement) des personnages aussi fort dans ces prochains films... Saura t'elle se relever de ce rôle très fort ??
Mohsen Bastardo (Abdelmonem Chouayet), le héros du film.. Divinement joué aussi, l'acteur est entré dans son personnage au fur et mesure du film; grandissant avec son personnage et prenant sa véritable dimension dans l'histoire. Un bâtard, pauvre insipide, inodore et incolore, mais qui va devenir le maître de son quartier...
Khlifa (Taoufik el Bahri) . Taoufik el Bahri a fait du Taoufik el Bahri... rien de bien particulier.. si ce n'est que Taoufik joue tous ces rôles de la même façon: Exubérant, en faisant des tonnes par ses mimiques et sa façon de jouer... il ne rentrera dans le rôle que lorsque mort, il réapparaît en fantôme bienveillant sur Bastardo... je trouve que c'est le plus décevant de tous... car il n'a rien montré de nouveau et se cantonne à son répertoire..
Mermez (le chat) ...le chat de Bastardo... qui est le métronome de toute l'histoire... et le fil conducteur de la vie du héros
L'ambiance générale du film
Comme je vous l'ai dit plus haut, on se retrouve un peu dans Ettore Scola, dans l'univers de Caro et Jeunet, mais aussi dans du Lars van Trier ou du Wim Wenders.. voire du Alan Parker (particulièrement pour Birdy)
Une lenteur voulue...
une situation tragique mais qui fait sourire...
et une photo superbe par Gergely Pohárnok ... on retrouve d'ailleurs les couleurs et les teintes qu'il avait mis dans Taxidermie... dès le début, ce clair obscur, grisatre, et ces couleurs ou l'ocre prédomine vous emmene directement dans cette ambiance ..entre chien et loup
Quant à la Musique, Nejib Belkadhi (en mélomane averti) a réussi a convaincre Lone Wolf Compositeur Anglais à faire la musique originale du film. La Musique a été enregistrée en Angleterre. Pouvant dénoter au début, cette musique s'impose à l'image par la suite... et on pourra dire que le choix fut judicieux...
Ah j'oubliais.... Animals (comme aurait pu s'appeler le film, le rappelle N. Belkadhi)... et oui, durant tout le film, chaque personnage est associé à un animal...
Larnouba (Lapinou en Dialecte Tunisien) ... est l'alter égo ou le Mr Hyde du Caid...
Les insectes ... pour Bint Essingra
Le chat de Bastardo ..
cette dimension animale qui fait que l'homme n'est qu'une bête (heycha) ... sociale .. ou Asociale !!
En Conclusion, ce film est beau et dérange!!.. fais réflechir!!
quelques imperfections... mais Nejib n'est qu'à son 2eme Long Métrage et à sa première fiction :)
Allez le voir sans préjugés.... il ne vous laissera pas indifférent.
Il dénote dans l'univers du cinéma tunisien... car il est tout sauf tunisien... le décor et le film est en tunisien... mais il aurait su passer ..a New York, Paris, Beyrouth, Moscou.. ou Rio
Du bon cinéma d'auteur!!
Underground.... comme on aime en voir dans les ciné-clubs... et que l'on achètera en DVD pour compléter sa collection...
Sortie le 8 décembre à Tunis...
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Crédits Photos: Dossier de Presse du Film "Bastardo" Propaganda Productions